Humeur – “Ceci n’est pas un adieu”. Pourquoi je ne partagerai plus mes photos sur les réseaux ?

décembre 10, 2021

Alors que vous étiez encore plus de 16.100 à l’heure où j’ai écrit ces lignes, j’ai envie de croire que cette annonce a eu l’effet d’une bombe auprès de certaines et certains d’entre vous, mes Chères et Chers Abonné(e)s de Facebook….

Durant des années, vous m’avez porté. Vous m’avez fait part de compliments souvent dithyrambiques, vous m’avez témoigné de messages extrêmement touchants, et même d’amour. Vous avez été des dizaines, parfois des centaines de milliers à soutenir mon travail, à partager, à commenter mes photos, à les voler parfois… Tout cela m’a fait croire que de mes images je pourrais un jour vivre, en m’affranchissant des emplois salariés, en vivant tel que je l’entendais, sans limites et sans frontières. J’ai cru qu’en cumulant reportages dans la presse, prestations de communication et réalisations vidéos pour des entreprises touristiques ou de loisirs, j’ai cru naïvement que j’arriverais à en vivre dignement, j’entends “gagner ma vie” grâce à ma passion pour le reportage, le documentaire et la photographie.

En réalité, depuis que je suis devenu chef de ma petite entreprise, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. J’en suis devenu esclave, et je perçois bien que cette vie dont j’avais rêvé est en train de m’échapper. Avant toute chose, je suis un artiste, un créateur, un metteur en oeuvre, un metteur en scène, en textes et en images, un empêcheur de tourner en rond, un apporteur de solutions. Pas un commercial. L’argent ne m’a jamais intéressé, et réfléchir à des stratégies qui me permettraient d’en toucher davantage que le minimum dont j’ai besoin pour financer mes besoins au quotidien, ça n’a jamais été ma tasse de thé.

Tant que vous n’étiez que quelques centaines à suivre mon travail, tant que je partageais gratuitement mes images sur les réseaux pour le plaisir de transmettre une certaine part d’émotions et une grande part de passion, tant que cela demeurait désintéressé, il me semble naïvement que je m’y retrouvais. Vous y croyez à ça, vous ?!

Très sincèrement, ce serait me mentir à moi-même que d’affirmer que cette démarche a toujours été désintéressée. Je pense que nous sommes tous sur les réseaux dans l’optique de faire connaître notre travail, et d’un jour en vivre. Et c’est précisément là où le bât blesse. La croissance du nombre d’abonné(es), des interactions, de la visibilité obtenue laisse croire que cet objectif sera un jour atteignable, mais ce serait mal connaître les algorithmes. Tant que c’est gratuit, désintéressé (comme certaines images de givre à perte de vue sur les hauts de La Réunion, ou d’autres volcaniques en plein confinement mondial), la visibilité paraît presque sans aucune limite et ferait presque de vous une star de la photographie. Mais dès que vous entreprenez de mettre en vente ces images, même en rémunérant les plates-formes telles que Facebook ou Instagram, le nombre d’interactions ne décolle pas. Voilà en quoi ça blesse. Vous devenez esclave des algorithmes, et dès lors de votre ordi, dans l’espoir de… Pour ne pas dire dans l’attente !

Le succès, la visibilité, les audiences énormes créent une illusion. L’illusion d’exister en tant qu’artiste, l’illusion de pouvoir VIVRE en tant qu’artiste. Cela me semble créer une forme de cercle vicieux addictif et destructeur qui, plutôt que de vous enrichir – dans tous les sens du terme – vous appauvrit. En ce sens que, comme toutes les addictions, cette logique néfaste finit par vous apporter tout le CONTRAIRE des bénéfices que vous en attendiez initialement.

A titre personnel, je ne remercierai jamais assez toutes celles et tous ceux qui m’ont soutenu au cours de ces années de présence sur “the Social Network”. Mais je dois bien admettre que, de sociale, ma vie n’a absolument plus rien. Je dois me rappeler que mon rêve initial était de parcourir le monde, de rédiger des livres de voyage, de réaliser des documentaires, de produire des expositions… Et de PARTAGER et de VENDRE ces réalisations bien sûr, mais au CONTACT physique de ce public fidèle que vous semblez être. Sur scène, notamment, en librairie, dans des galeries d’art… Pas comme ça, reclus derrière un écran à devoir accepter que ces illusions m’ont amené à faire fausse route, à finir par rêver ma vie plutôt que de vivre ces rêves qui étaient les miens.

Cette vie, je l’ai gagnée le jour de ma naissance. Croire que j’ai toujours besoin de la “gagner”, c’est me tuer moi-même à petit feu. Et, surtout, c’est m’éloigner très fort de ce que je suis au fond de moi : un aventurier poète voyageur, à la fois un peu autiste, timide et paradoxalement hyper sociable. C’est vivoter bien plus que VIVRE, c’est exister dans l’illusion d’être quelqu’un, un soi-disant bon photographe qui n’est JAMAIS satisfait de son travail, et se retrouve dans le doute quand certaines de ses photos ne suscitent pas autant de “likes” ou de “réactions” que ce à quoi il avait fini par s’habituer…

Alors voilà, je n’ai pas encore pris la décision de quitter totalement Facebook. J’ai déjà supprimé mon compte Instagram, mon profil Twitter est vide, et je suis timidement présent sur Linkedin ainsi que YouTube. Il me semble que les réseaux sont utiles pour “donner des nouvelles”. Alors je vous en donnerai. Je vous en donnerai de temps à autres en vidéos, et je partagerai des liens vers ce site web.

Car c’est ici, désormais, que je concentrerai l’essentiel de mon activité numérique. Pour commencer, je vais y publier très prochainement les papiers que j’avais rédigés pour Trek Magazine et Grands Reportages, ainsi que les comptes-rendus de mes journées de trek solitaire sur les Chemins de l’Everest. Ces articles seront bien sûr toujours accompagnés de photographies.

Je donnerai des nouvelles de mes projets et de leurs évolutions : mon film documentaire annoncé de longue date sur La Réunion, le livre et l’exposition itinérante qui l’accompagneront probablement. Mon rêve d’expédition sur un 8000 m au Tibet, mes rencontres, mes pastilles vidéo….

L’aventure Imagirun ne s’arrêtera probablement pas, car s’il est épuisant de mener celle-ci en tant qu’entrepreneur individuel courant sur tous les fronts sans pouvoir profiter proportionnellement du temps et de l’énergie consacrés à cette ambition, tout est prêt pour poursuivre celle-ci de manière associative. Dans le partage, les collaborations artistiques, le désintéressement. Et surtout, pas tout seul derrière un écran avec des milliers d’abonnés que je ne rencontrerai jamais si je poursuis dans cette direction.

Or, j’imagine que vous préfèreriez de très loin pouvoir également échanger de vive voix avec moi, par exemple dans une salle de cinéma ou d’exposition.

C’est en tout cas le voeu que je formule, et c’est pour mieux pourvoir l’exhausser que je fais le choix de me retirer presque totalement des réseaux sociaux, en particulier de Facebook, où vous avez été si nombreux à me suivre depuis des années.

Merci pour tout, et à très bientôt !

 

 

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    2 Comments

  • Geneviève LESTANG
    décembre 10, 2021
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    Force!!!

  • Morgane
    décembre 11, 2021
    Reply

    Magnifique et criant de vérité !

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