Nature – Coquelicots d’automne et féérie de couleurs dans les Alpes

novembre 27, 2022

En Matheysine, à quelques semaines de l’hiver, malgré un retour aux normales de saison, la persistance d’un anticyclone sur les Alpes et l’absence de gelées ont fait fleurir des… coquelicots à 1000 m d’altitude, tandis que les forêts se paraient soudainement de couleurs flamboyantes ! Un automne pour le moins insolite !

On peut avoir assisté de près à des dizaines d’éruptions volcaniques, avoir affronté des cyclones tropicaux, partagé quelques brasses avec des baleines, ou avoir traversé l’Himalaya, il est des souvenirs aussi simples soient-ils qui ne vous quittent jamais…

C’est parce que j’étais poursuivi par certains de ceux-ci qu’au bout de cinq ans passé sur l’île de La Réunion, j’ai finalement fait le choix de me réinstaller en Europe, sous des latitudes plus fraîches et plus humides qui me font chaque jour regretter l’océan Indien !

Pourtant, sans ces températures et cette humidité, aucun de ces souvenirs qui ont orienté mes récents choix n’auraient jamais existé ; car ces souvenirs ne sont rien d’autres que le blanc de la neige, l’hostilité de l’hiver, les feuilles mortes sur le sol et l’explosion des couleurs à l’automne. “Et il y en a qui désertent les Tropiques pour ça ?!”, me direz-vous ? Eh oui, mais il faut avoir vécu ces contrastes, il faut avoir expérimenté ces manières différentes qu’on peut avoir de vivre à La Réunion, dans la grisaille du Plat Pays ou dans un petit village isolé en montagne pour obtenir la certitude que l’herbe n’est jamais plus verte ailleurs que là où nous nous trouvons, à l’instant où nous nous y trouvons !

Galerie : début d’automne tardif sur le plateau matheysin, Alpes, Isère.

Il faut souvent, aussi, avoir quitté un lieu de vie pour s’apercevoir à quel point celui-ci nous manque, quels qu’en soient les défauts qu’on ait pu lui trouver !

Ainsi, né en Belgique, j’ai été habitué dès mon plus jeune âge à ces crépuscules d’été qui peuvent parfois s’étirer jusque 23 heures passées… Et – comme tous les gens du Nord – je me suis formaté aussi à accepter ces journées hivernales qui durent à peine huit heures, tandis qu’à l’extérieur, tout est terne, gris et morne… C’est pour donner du relief à ce décor que dès l’âge de vingt ans, j’ai commencé à me rapprocher des Alpes et à y séjourner de plus en plus souvent, jusqu’à y faire ma vie durant plus d’une décennie !

Il faut souvent, aussi, avoir quitté un lieu de vie pour s’apercevoir à quel point celui-ci nous manque, quels qu’en soient les défauts qu’on ait pu lui trouver !

En effet, ce qui ne devait être initialement qu’une succession de contrats de travail saisonniers s’est vite transformé en une suite de spectacles visuels, saisonniers eux aussi, mais bien plus contrastés que tout ce à quoi j’avais pu assister jusqu’alors ! Car avec le relief viennent les dégradés de couleurs et de nature du sol, les changements de végétation, de climats. Avec l’altitude viennent des textures, des reflets, des lumières, des surprises qui varient d’étages en étages. Et à chacun de ceux-ci, c’est très souvent des aventures inattendues qui s’offrent à ceux qui les fréquentent. De quoi devenir randonneur, alpiniste mais aussi chasseur… d’images !

Ainsi puis-je affirmer sans risquer de me tromper que c’est la montagne qui m’a rendu photographe ! Les cristaux de givre opaque, les corniche de neige sculptées par le vent, les stalactites de glace sous les toitures, les nuits polaires et cristallines, puis l’explosion florale lors de la renaissance printanière, la verdure luxuriante des mois d’été, et enfin ces camaïeux d’ocres, de rouges et d’oranges qui flamboient en octobre une fois l’automne venu !

Cette diversité-là, on peut avoir assisté de près à des dizaines d’éruptions volcaniques, avoir affronté des cyclones tropicaux, partagé quelques brasses avec des baleines, ou avoir traversé l’Himalaya, jamais je ne l’ai rencontrée sur l’île de La Réunion, jamais je ne l’ai trouvée ailleurs que dans les Alpes ! C’est pour cela, principalement, que j’y suis revenu !

Alors, 5 mois jours pour jours après mon retour, que puis-je dire de l’herbe alpine ? A-t-elle été seulement à la hauteur de mes attentes ?!

D’abord elle était sèche, rase et jaune, quasi inexistante. C’était l’herbe des alpages brûlés par une canicule interminable, mais qui personnellement ne fut en rien pour me déplaire, car elle m’assurait ainsi un confort thermique dans la continuité des températures tropicales auxquelles je m’étais désormais habitué. Quant aux arbres, beaucoup d’entre eux se trouvaient également desséchés, roussis, tandis que partout des incendies en profitaient pour dévorer sans pitié les forêts. Juin, juillet, août, et même septembre… Chaque journée se ressemblait, sans orages ni nuages… La canicule devenait routinière, une forme d’ennui, déjà, commençait à s’installer.

C’est avec l’arrivée de l’automne que mes attentes photographiques ont commencé à se trouver récompensées. Fin septembre tout d’abord, le retour de la pluie a semblé provoquer un réveil de la nature. En octobre ensuite, la persistance de  températures toujours anormalement élevées a contribué à la floraison de nombreuses espèces végétales, tandis que la sénescence des arbres et leur mue automnale semblaient se faire attendre. C’est ainsi que, le weekend de Toussaint, je photographiais des scènes printanières au-dessus de 1500 m d’altitude, alors même qu’il fallait bien monter au moins à cet étage pour commencer à percevoir un changement de saison !

Galerie : premières couleurs d’automne dans les hautes vallées de Matheysine, Alpes, Isère.

Comme très souvent, c’est à cette époque, marquée par le passage à l’heure d’hiver, que la bascule s’est opérée : météo perturbée, ensoleillement moindre, baisse des températures, puis premiers flocons…. Le schéma paraissait conforme à mes souvenirs, mais c’était oublier que cela faisait six ans que je n’avais plus passé d’hiver dans les Alpes ! Nous sommes désormais en 2022, et les anomalies thermiques comme les périodes de sécheresse se sont multipliées au cours de cette dernière décennie. 

A peine passées les perturbations du début du mois, un généreux soleil et une douceur généralisée se réinstallaient sur les Alpes ! Les arbres avaient eu le temps de commencer enfin leur sénescence, se parant ainsi de leurs flamboyantes couleurs, mais nulle part les sols n’avaient encore connu de véritables gelées ! Dès lors, si les feuilles étaient oranges, l’herbe, elle, demeurait au moins tout aussi verte que celle des hauts de La Réunion !

Alors, était-ce moi qui en avais trop consommé, ou j’étais réellement en train de voir fleurir des coquelicots dans une prairie à 1000 m d’altitude ?!

Galerie : coquelicots en fleurs à 1000 m d’altitude, le 16 novembre 2022, sur le plateau matheysin, Alpes, Isère.

C’était le 16 novembre 2022, donc. Ca faisait pile 5 mois que j’avais quitté l’île, notamment pour retrouver ces rythmes saisonniers qu’on ne trouve pas sous les Tropiques. Ce jour-là, je pense pouvoir dire que j’ai été servi !

Des affaires familiales m’appelaient urgemment en Belgique, et cela faisait déjà plusieurs jours que je reportais l’instant de mon départ : fatigue chronique, flemme, manque d’inspiration… Mais j’étais désormais attendu le lendemain matin à Bruxelles pour une réunion immanquable, il était passé 13 heures, et je m’étais enfin décidé à prendre la route.

Ce faisant, je savais bien que je pourrais être retenu au pays quelques semaines, et qu’à l’heure de mon retour, la neige peut-être, les gelées certainement, auraient sonné le glas de ce concert de couleurs. Alors, je me suis attardé quelque peu pour immortaliser celui-ci !

Galerie : le paroxysme de l’automne sur le plateau matheysin, Alpes, Isère.

Des photos somme toutes assez basiques, car une nouvelle fois, ni brouillard ni nuages pour composer avec la lumière des tableaux oniriques… Des photos basiques peut-être, mais avez-vous déjà vu des coquelicots fleurir à 1000 m d’altitude un 16 novembre dans les Alpes ? Avez-vous déjà pu photographier des fleurs de printemps ou de début d’été s’épanouissant sur fond d’arbres d’automne et de sommets enneigés ? Personnellement, c’était la première fois, et c’est à genoux dans l’herbe que je veux le retenir.

Cette herbe, elle est tout aussi verte que celle de La Réunion ! Ni meilleure, ni moins bonne, juste différente. Mais elle était peut-être trop verte, pour un 16 novembre, à 1000 m d’altitude dans les Alpes. Aussi verte qu’il est clair que la neige s’y fait de moins en moins fréquente, et que l’hiver s’y installe de plus en plus tardivement…

 

 

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